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De nombreux phénomènes physiques, en lien avec les enjeux de sûreté des installations nucléaires, impliquent des phénomènes de transport complexes et couplés. Parmi ceux étudiés à l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire, on peut citer, les pathologies pouvant se développer dans des structures massives en béton telles que les enceintes de confinement de réacteurs nucléaires. Parmi ces pathologies, les Réactions Sulfatiques Interne (ou « RSI ») sont engendrées par le transport en milieu aqueux d’espèces chimiques réactives (Ca2+, OH-, Al(OH) 4- , SO42-,...), au sein du béton qui est un matériau poreux discontinu. La précipitation de certains minéraux tels que l’ettringite engendre des gonflements importants et entrainent des forts gradients de contraintes locaux. A leurs tours, ces gradients de contraintes induisent le transport des espèces, à l’instar du gradient de concentration. Le traitement des multiples couplages entre les différents moteurs du transport d’espèces (gradients de concentration et de contrainte) reste à l’heure actuelle un problème ouvert et les outils simulant rigoureusement ces derniers sont toujours à l’étude. On se propose ainsi de contribuer au développement d’une approche unifiée du transport d’espèces et son implémentation dans un outil numérique.
Afin de développer une approche numérique unifiée des problèmes de transport multi-espèces et multi-physique, la thèse proposée se focalisera sur un milieu hétérogène comprenant un domaine fluide et un domaine multiphasique poreux discontinu (inclusions, fissures), séparés par une interface. Plus particulièrement, l’étude portera sur le développement d’une formulation des différents flux de matière pouvant intervenir au sein des domaines fluide et poreux, ainsi qu’entreces deux domaines.
A l’état de l’art, ces flux sont usuellement exprimés comme des fonctions de gradients des variables intensives caractérisant ces domaines. Le flux de matière est classiquement décrit comme une fonction linéaire du gradient d’une des variables intensives caractérisant l’espèce diffusante (i.e. concentration, pression partielle, titre molaire ou massique), appelée loi de Fick. Néanmoins, dans des microstructures ou en milieu fluide, soumis à de forts gradients de pression, cette modélisation macroscopique du flux de matière s’avère incomplète. En effet, la diffusion de matière peut aussi être pilotée par ces gradients de pression (effet Dufour, ou barodiffusion), en sus du gradient d’espèces. La loi de Fick peut alors être complétée par un terme correctif, prenant en compte la barodiffusion. En présence de nombreuses espèces diffusantes, la formulation se complexifie considérablement et tend vers la modélisation dite de Maxwell-Stefan de la diffusion de matière.
L’implémentation et la résolution numérique de ces deux formulations, de complexité croissante, n’est pas triviale. En effet, dans ces formulations, la diffusion de matière prend en compte le couplage entre les champs de pression et d’espèce par des relations de fermeture qui peuvent s’avérer fortement non-linéaires, selon le degré de complexité retenu pour prendre en compte les multiples moteurs du transport d’espèces. Par ailleurs, la complexification de ces formulations n’est pas sans conséquence sur le plan théorique et se doit de respecter la conservation du second principe de la thermodynamique, ce qui, suivant le type de formulations retenu, n’est pas aisé à vérifier. Afin de pallier ces difficultés, une formulation de ces flux de matière non pas comme une fonction complexe des gradients d’espèce et de pression mais comme une unique fonction du gradient de potentiel chimique de l’espèce diffusante considérée est à ce jour une voie jugée prometteuse par la communauté scientifique, tant du point de vue de la formulation des couplages que de l’implémentation numérique des modèles en découlant. Il s’agit de l’approche de modélisation retenue pour la présente étude.
En premier lieu, cette approche unifiée sera développée en introduisant de nouveaux champs scalaires décrivant le potentiel chimique de chacune des espèces diffusantes. Puis, il s’agira de formuler les différents flux de matière à partir de gradients de ces potentiels chimiques, au sein des domaines fluide et poreux mais aussi au niveau de leurs interfaces.
Ces formulations conduiront à définir des coefficients phénoménologiques de transport, qui pourraient, s’ils n’étaient pas déjà renseignés dans la littérature scientifique, être estimés au moyen de simulations atomistiques au cours de la présente thèse. Des relations comme celle d’Einstein ou de Green-Kubo permettent de déterminer des coefficients de transport à partir de grandeurs atomiques instantanées (positions, vitesses et forces) obtenues lors des simulations employant la méthode atomistique de la dynamique moléculaire. Parmi les coefficients de transport calculés de cette manière on peut citer le coefficient de viscosité, le coefficient de conductivité thermique, celui de conductivité électrique (déterminés en utilisant la relation de Green-Kubo) ou bien le coefficient d’autodiffusion d’une espèce (déterminé en utilisant la relation d’Einstein ou celle de Green-Kubo). La dynamique moléculaire permet également de réaliser des simulations d’évolution d’un système hors équilibre où des gradients de grandeurs intensives (température, concentration, pression) sont présents simultanément. Les coefficients de transport des équations phénoménologiques décrivant des processus couplés pourraient être obtenus en ajustant sur des résultats de ce type de simulations.
La modélisation sera ensuite implémentée dans XPER, plateforme numérique développée à l’IRSN. Enfin, les Réactions Sulfatiques Internes dans les bétons seront simulées et comparées aux résultats expérimentaux, en particulier le programme de recherche ODOBA.